Avatar : Lena Headey

Signe(s) distinctif(s) : Son dos constellé d'éléments bucoliques aux couleurs chatoyantes lui rappelle les utopies de sa folle jeunesse. Emma les masque souvent, les maquille ou diffuse une pellicule holographique de peau nue sous ses robes. Ce n'est pas l'extravagance qui lui fait peur, plutôt le reflet d'une jeune fille trahie qu'elle peine à regarder en face.

Améliorations : Implants cognitifs de mémoire et d'intelligence, implant neuronal de rapidité cognitive, implant anti-stress, implants anti-dépendance à la nicotine et à la caféine.
Un dernier ajout implanté dans le plus grand secret a mimé, pendant dix ans, sa stérilité.

Logique │ Brillante │ Anarchiste │ Coupable │ Triste │ Cynique │ Déterminée │Actrice │ Froide │ Apeurée │ Distante │ Utopiste │ Aimante │ Seule │ Dangereusement sous-estimée

Aux yeux de la société, Emma est une banalité affligeante. Une femme brillante épouse un homme plus riche, la belle affaire, bien d'autres ont eu l'idée avant elle. Carriériste à n'en point douter, arriviste peut-être même un peu et très soucieuse de son image, grand dieu. Le pire affront peut lui être fait qu'elle y répondra toujours avec élégance s'il est commis en société. Elle a toujours une pensée pour les connaissances mondaines, une idée pour maintenir leur image ; une liste de tâches sur un coin d'écran et une baguette de chef d'orchestre pour les serviteurs dématérialisés de ses appartements. Neuromancer brillante en plus de femme idéale, les murmures s'accordent à dire qu'une telle perfection en devient tiède, presque ennuyeuse. Élément chevronné de Tyr Inc. et bourreau de travail, la vérité c'est qu'elle aime à s'évader, chérit ses mondes imaginaires - enfant créative ignorée sous la femme de société. Comme les bouteilles qu'elle vide un peu trop vite, sans une âme pour s'en soucier.

Aux yeux de ses hommes, son secret, sa seule vraie famille, Alecto est un chef irréprochable, une figure incorruptible. Image de ces divinités à la justice implacable, capable de sacrifier l'homme de sa vie pour une plus grande cause. A l'écoute, presque maternante, quoique souvent pressante. Rien ne va assez vite, aucune action ne paraît lui suffire : elle donne le sentiment de ne pouvoir trouver repos que lorsque sa propre corporation sera en cendres. Dans l'intimité là encore, dans le silence de sa chambre, Emma est avant tout une femme blessée. Seul son pragmatisme la retient, souvent, d'en finir avec un couteau de boucher : d'assassiner son mari, avec sur ses lèvres toutes les trahisons infligées. Elle irait en prison et l'homme serait martyr, tout serait à recommencer, sans l'atout vital de ses accès. Mais dans la pénombre des terreurs nocturnes, la logique devient lâcheté : vide infligé de laisser aux grandes causes, une affaire personnelle.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit, dans l'ignorance générale, à la plus profonde racine de ses motivations. De trahison. Trahison de cette jeune fille utopiste, éperdue, qui ne demandait qu'à l'aimer. Trahison de n'avoir même pas su faire semblant, de l'avoir fait réprimer le seul rêve qu'elle nourrissait un jour : celui de marcher à ses côtés. Jellil, homme irrécupérable, incapable d'aimer. Bien-sûr, elle pense à ses idéaux ; mais le moteur fondamental, le fiel de ses actes, Emma le connaît.

Parfois, elle se dit que s'il avait seulement été un peu plus tendre, elle aurait même su se résigner à aimer un homme mauvais.
Plus qu'elle ne l'aime encore aujourd'hui : juste un peu, parfois, et plus assez.
Déjà comme un vestige de son passé.
Car Emma se souvient de ce qu'il n'a pas été assez intelligent pour la laisser ignorer : tout ce qu'elle était, avant de le rencontrer.

« Monsieur a actualisé son horaire d'arrivée à minuit.
- Merci Christine. »
On ne s'appelle plus, alors ?
De là-haut, Atlantide ressemble à une fourmilière de créatures luminescentes. Colonie insomniaque et frénétique, déconnectée du silence parfait qui l'entoure, tant qu'Emma se trouve parfois scientifique au-dessus d'un vivarium. Ou, plutôt, enfant curieuse penché e comme un géant sur un spectacle mystérieux.
Les gigantesques baies vitrées, plus hautes que le moindre vis-à-vis, sont un observatoire de profane à la misère qui lui échappe - et lui échappera toujours.
Au sommet d'un monde hors des mondes, dans un appartement à l’ingénierie inégalée et à la beauté transcendante, Emma contemple sa vie dans le fond d'un verre vide. Le chemin parcouru pour en arriver-là et pourtant, l'insatisfaction qui ne l'a jamais quitté. Les capteurs diffusent une ambiance idéale et elle, elle a constamment froid.
« Comment tu crois que ça sent, en bas ? ... Rien n'a d'odeur ici. Tant qu'on ne lui en a pas attribué une.
- Souhaitez-vous que je diffuse une ambiance olfactive ?
- Non, c'est précisément ce que je viens de te dire. » Râle exaspéré assorti d'un soupir de regret. Ce qui se trouvait dans le verre embrouille, il faut croire, le contrôle exemplaire et partiellement synthétique de ses humeurs. Implants court-circuités, les picotements dans ses mains lui redonnent étrangement l'impression d'être vivante. Douloureusement. « Excuse-moi.
- Votre taux de sérotonine est bas, je peux en synthétiser.
- Je suis seulement triste, Christine. Et j'ai déjà la situation en main. » conteste la dame, claquement à l'appui du cristal sur un guéridon en verre pour le remplir. Emma traîne breuvage, bouteille, carcasse et peignoir de soie jusqu'au canapé où elle s'effondre, liquide happé entre ses lèvres. « Je t'envie, parfois. » elle confesse d'un soupir à la voix désincarnée, merveille technologique, qui rend les paramètres de sa vie si bien orchestrés - et la cingle de solitude plus sûrement qu'un appartement inodore. Le bilan d'une vie est doux-amer, quand notre interlocuteur intime est l'une des meilleures IA jamais créées. « Pas d'état d'âme. Pas de conflit d'intérêt. Seulement la rationalité. Tu gouvernerais mieux Atlantide que nous, n'en déplaise à l'un de ses gouverneurs.
- Mais je n'ai pas d'imagination, je ne peux pas créer. Sans création, il n'y a pas d'évolution. Sans évolution, votre espèce meurt. »
Cette réponse aux notes de déjà entendu soulève une nausée profonde - ou serait-ce seulement la liqueur. Le savant résonne dans les mots de sa créature et Madame se rappelle, comme un rêve lointain, des débats inlassables qu'elle chérissait avec lui. Aujourd'hui, la réplique est tiède ; le génie prévisible.
« Qu'est-ce qu'un aveugle imagine, quand on lui parle de couleurs ? » Pourtant, dans le silence qui s'ensuit, Emma se satisfait d'avoir coupé le sifflet de sa pâle copie, se plaît à croire que son mari n'aurait pas trouvé plus à lui répondre. « L'imagination ne peut venir que de ce qu'on connaît déjà. Pour moi, le croisement de toutes les connaissances dans un système en est une plutôt bonne simulation. » Le cristal tinte sur un autre support de verre, dans son décor épuré de transparence, et se remplit. « Mais puisque tu n'as pas mentionné l'empathie j'en conclus que tu restes effectivement soumise aux limites de ton créateur. »

Mais qui suis-je pour t'en blâmer ?


La scène se situe quelques étages plus bas, à des années de l'appartement sordide. Van de Püt est un nom que le monde ignore et d'autres géants siègent plus modestement au sommet de l'Atlantide.
L'une de ces familles reçoit à dîner, ce soir - un dîner important, comme le sont tous les dîners, aussi la mère a-t-elle sorti la plus belle robe, la plus belle nappe, les plus belles assiettes ; renouvelé tous les paysages holographiques et la modernité du personnel de maison. Le verre n'est pas à la mode, l'ouverture sur la ville non plus : on leur préfère de très longs murs sur lesquels projeter des mondes imaginaires. Elle a choisi des planètes, ce soir - aime à penser qu'on se limite aux dimensions qu'on se donne.
Les couverts tintent et les dents claquent, les estomacs reçoivent pitance avec satisfaction.
Le père, quant à lui, désapprouve en silence et par habitude, la plupart des choix de sa femme.
« Emma est première de sa promotion, elle vient de commencer un stage chez Tyr Incorporation. Les choses se passent assez bien pour qu'elle espère décrocher un boulot permanent.
- Je t'ai déjà dit que je voulais me faire toute seule, maman. Les neuromancers qui rentrent trop tôt dans les corporations deviennent des génies sans la moindre imagination. »
Mère et fille sont lancées dans un duel d'idées, une autre vieille habitude. Même si l'âge apprit au moins à l'enfant revêche qu'il valait mieux ne pas mener des combats vains. Elle retient ainsi de justesse, son éternel pamphlet sur la recherche d'identité et l'importance d'une patte distinctive dans le métier de développeur. C'est pisser dans un synthé, se dit-elle, et deux parents obsolètes comme une ancienne mise à jour ne l'empêcheront pas de changer le monde - ou de sauter le pas d'un sixième tatouage, pour ce que ça vaut.
« En tout cas. Nous sommes très fiers. » Tempère la fille, sa tendre mère. Un oeil insistant de la mère, un silence plein d'espoir de la fille, sont accueillis par un autre, désapprobateur, du père. « Il ne manque plus que quelqu'un avec qui partager ce bonheur.
- Pourquoi tu ne nous sors pas directement le plan de table ? ce sera plus subtil. »
Pour comprendre cet échange un peu cavalier, il faut imaginer qu'entre la mère et la fille, un garçon est assis. L'héritier du géant qui sera un jour détrôné par celui que le monde ignore. Plutôt bel homme, ce qui ne gâche en rien cette savoureuse pincée d'ironie.
« Je ne suis pas contre le mariage arrangé. » se permet d'intervenir le garçon, une façon un peu audacieuse certes, de courtiser la fille, sans savoir qu'il la fait fuir. « Qu'on veuille l'appeler comme ça ou pas, la plupart des mariages de notre classe sociale présentent un intérêt financier de toute manière.
- Proposé avec un tel romantisme, je cours chercher ma robe. » se cabre l'enfant revêche dans l'assaut d'un sourire. « On vit dans un monde de possibilités quasi infinies. Ce n'est pas pour restreindre la seule chose qui n'exige justement aucun moyen particulier. »
Silence désapprobateur du père.
Un plat est poussé sous la frimousse de la fille, avec un peu trop d'insistance.
« Mange, chérie. »

Mais la tragédie de cette scène ne réside pas seulement dans le jeûne maladif d'une enfant au coeur d'une corne d'abondance. C'est aussi la rencontre de deux âmes qui se seraient bien entendues sans la paresse de l'une et les certitudes de l'autre. Si la fille n'avait pas repoussé le garçon dans le seul but de contrarier son père, ou si le garçon avait été un peu plus téméraire, elle n'aurait pas rencontré, plus tard, un homme beaucoup moins prompt que lui à la faire sourire.
Elle n'aurait pas épousé la copie de son père.
N'aurait jamais appris que ses rêves de changer le monde avait été assassinés pour elle, bien avant elle.
Il aurait été nul besoin de s'engager dans la moindre cause.
Et l'on connaît bien l'autre tragédie qui aurait épargné un nouveau géant, des années après.
L'ignorance est salvatrice mais au sommet du monde, c'est une idée dure à comprendre.




L'alarme résonne au sommet du monde, tonitruante ; verre renversé sur son peignoir dans un sursaut violent. Signaux visuels et sonores se déchaînent, Christine en cherche la cause sur tous les écrans.
Au coeur de la ville, ce sont les cris qui retentissent, des victimes prises par le bûcher, des témoins affolés.

« La voiture de votre mari.
- Je dois y aller.
- Je m'excuse. Les premières analyses indiquent la possibilité d'un attentat volontaire. Le protocole de sécurité est déclenché. Vous ne pouvez pas quitter cet appartement.
- Christine, laisse-moi sortir !»

Emma a peur. Peur de la terreur qui émane de ses couinements désincarnés. Peur de son corps qui se jette sur la porte en cris de rage, de la violence de ses coups sur la poignée.
De la crédibilité d'un mensonge.
Se pourrait-il qu'il y ait une part de vérité, une vague déferlante de regret. Ou s'est-elle tant prise à son affabulation qu'elle en oublie, pour quelques minutes, la terrible réalité. Celle-là même qu'elle donnerait tout pour ignorer. La véritable nature d'une femme capable d'aussi bien mentir : elle ne se doutait pas, pauvre âme, que le dégoût de son mari aurait un jour pour rival celui qu'elle a d'elle-même.

Dans une voiture en flammes, Jellil Van de Püt agonise, impuissant. Les tissus brûlés vivant, son visage à jamais ravagé et dans sa semi-conscience, l'heur de s'en rendre compte. La torture de savoir, que rien ne sera jamais comme avant.

Derrière les portes closes du sommet du monde, Emma s'écrase dans un sanglot retentissant. Elle accuse son acte et se débat, démente, contre la perte : ni de son mari, ni de son amour, mais de son visage.
Celui qu'elle avait d'elle-même.
La torture de savoir... jamais comme avant.
Rendez-vous dans un miroir.

Pseudonyme : comtesse
Âge : 29 berges
Pays : vin rouge et bonnet phrygien
Comment avez-vous connu le forum, quelque chose de spécial à en dire ? : une réponse à un post de recherche sur Facebook. Comme quoi, parfois, ça marche.
Je répète toute mon admiration pour ce contexte.