Hello Darkness. |Kraven

Putain de… !

Y avait des gens comme ça, qu’avaient la fâcheuse tendance à vous laisser une impression durable. En général c’était le même type de personnes que ceux qu’on rangeait dans la catégorie « chieurs finis », « putain plus jamais j’veux r’voir la gueule de l’aut’ con » ou encore « quand qu’c’est qu’elle est la fin du monde qu’on vive enfin plus dans l’même monde que c’t’enfoiré ? »
Pour être tout à fait honnête, c’était souvent d’Ivan dont on parlait dans ces moments-là.  Mais ! A chaque âme sa némésis, non ? Même lui, avec tous les efforts quotidiens qu’il faisait pour se faire détester du plus grand nombre, avait dans le collimateur quelques personnes qu’il détestait encore plus que le reste habituel du monde.
Là-dedans on pouvait compter le Taffin, son employeur, feu ses géniteurs et quelques vieilles têtes du Chemmis qu’il n’avait jamais trop su oublier ; que voulez-vous c’est un romantique au fond de lui.

Bon, ça, à la limite, il s’en foutait. Pas comme s’il remettait souvent les pieds dans ce coin de la Basse, pas non plus comme s’il y était franchement bien reçu pour ce que ça vaut, et ses squelettes tenaient très bien dans son placard.
Ce qui était tout de suite bien différent quand il devait se rendre à ladite Chemmis, somptueux épicentre de l’Atlantide. Ordre d’Amar. Enfin, ordre à venir. Disons qu’il avait pris les devants pour avoir une raison de se barrer de la tour Tyriane et de tous ces corporatistes qui braillaient à en plus finir. Comment ces gars-là parvenaient à pas imploser sous le flot des conneries qu’ils débitaient et de l’air qu’ils brassaient à longueur de journée l’avait toujours impressionné.

Bon ! Et tout ça pour quoi vous m’direz ? Parce qu’Ivan avait été envoyé chercher des informations sur l’Oasis, la petite dernière lubie à la mode que les gosses de riches s’envoyaient de toutes les façons possibles sous le nez de papa maman. Les corpos étaient pas franchement contentes qu’une nouvelle drogue échappe à leur contrôle, et le rigger plutôt curieux de goûter à cette nouvelle dope. Du coup, s’il enquêtait dessus, tout le monde y trouvait son compte non ?

Ivan y était allé plutôt gentiment d’abord. Graisser quelques pattes, dis-moi où j’peux trouver quelqu’un qui m’intéresse sinon j’te flingue, les courtoisies habituelles en somme. Sauf que même ses vieux contacts habituels semblaient moins enclins à la causette quand il s’agissait de l’Oasis, c’est qu’ça fait tourner l’économie locale vous comprenez. Du coup il avait été un peu moins délicat. Oh rien de trop méchant, juste quelques os cassés mais ça se ressoude ces bêtes-là, rien de grave ma bonne dame. On n’est pas des sauvages non plus ! Et finalement on avait eu la bonté d’âme de lui lâcher le nom de Kraven Crash pour l’aider.

Ha merde. Vous vous souvenez des némésis ? Ivan aussi. Ce gars-là c’était pas de très bons souvenirs, il lui avait foutu quelques raclées du temps où leurs gangs étaient rivaux et autant dire que l’égo du rigger ne l’avait jamais très bien pris. Un autre temps, moins de cybernétique et d’entraînement au combat, certes, mais quand même, y a des choses du passé qu’on préfère ne pas ressasser. Kraven en était une. Ca n’avait pas franchement amélioré l’humeur d’Ivan, qui avait remercié le pauvre bougre en lui broyant la main. Un genre de réflexe ‘voyez.

Donc maintenant il devait trouver l’autre con. La personne qui l’avait renseigné avait eu la délicatesse de lui indiquer où il créchait avant qu’Ivan ne s’en aille, c’était donc un retour dans la rue pour aller le dénicher dans sa tanière. Jusque-là rien de bien compliqué. Jusqu’à ce que des bruits ô combien familiers d’échanges de tirs le tirent de sa torpeur et activent des mécanismes bien rodés de ce qu’on appelle familièrement survie. Ivan s’était jeté derrière un tas d’ordures afin d’éviter des balles perdues qui arrivaient bien trop dans sa direction à son goût, l’arme accrochée à son épaule désormais bien en main et l’aide à la visée de ses lunettes s’activant sur une simple de ses pensées. Un guignol de gang qui passait à ses côtés et avait décidé de le prendre pour cible écopa d’une salve de balles dans le torse avant que le rigger jette un œil sur le charnier qui avait lieu à quelques mètres.

Ah ? Peut-être que c’était son jour de chance en fait, il reconnaissait l’un des visages qui semblait faire du un contre beaucoup.

Ivan n’avait absolument aucune envie d’apporter une quelconque aide. Aucune. Tant pis pour ses recherches, si l’un de ces cons arrivait à en coller une entre les deux yeux de Kraven il aurait plutôt dansé de joie (s’il avait seulement la moindre idée de ce que c’était vraiment que danser bien sûr). Disons, peut-être qu’il aurait esquissé un rictus. C’était suffisamment proche dans son jargon pour être considéré comme tel.

Bon, si la vie d’Ivan s’était déroulée une seule fois comme il l’avait escompté, ça aussi ça se saurait… Tant pis, il perdait pour caner.

Le rigger avait passé la tête par-dessus sa planque, assez pour constater avec une grimace que Kraven était toujours debout, et assez aussi pour qu’il ait également le temps de le repérer. Un échange de regard qui en dit plutôt long après, mais vous savez cette fameuse tension aiguisée dans l’air, il l’avait donc reconnu malgré les multiples changements arrivés au fil du temps. Doit y avoir un truc, certaines personnes se retrouvent à l’odeur. Et dans le Chemmis, des odeurs, on n’en manque pas !

Quoi ? Il s’barrait ? Cette vieille ordure de Kraven le reconnaissait et il osait s’barrer ? Oh non mon grand, pas si facilement, pas sous la garde de tonton Ivan ! Le rigger se redressa, arme en main, prêt à suivre l’autre con qu’avait la connerie de monter dans sa caisse. Parfait, ça explose superbement ces merdes-là !
Un grand sourire s’étala sur les lèvres d’Ivan tandis que son aide à la visée remplissait son job, un double contentement de se battre ET que ça signe la fin de cet enfoiré de Flingueur. Merde à l’Oasis. Merde à Amar. Merde à Tyr Inc. Il allait l’buter ce con. Kraven Crash, date de naissance detrop, date de décès maintenant.

Voir la voiture lui foncer dessus avait été une bonne surprise (euh, non, oubliez ça, rien de bon n’arrive de Kraven) et Ivan n’avait pas attendu plus longtemps pour commencer à tirer ; sa première salve n’atteignant le véhicule qu’à peine avant que son propriétaire n’en saute, après quoi il imita le mouvement. On se fait pas modifier tout un corps pour être plus puissant et résistant pour rien, connard, et ces gambettes pouvaient en encaisser des rudes à défaut d’être les plus agiles du marché. Il se propulsa hors de la course du bolide, mais grimaça en sentant le bas d’une jambe cogner contre la voiture. « Clong », ça avait fait, avant de le dériver de sa trajectoire initiale. L’atterrissage avait été moins doux que prévu, fait chier il avait fait relustrer son cuir y a pas longtemps.
Il roula un peu (putain il avait réussi à oublier la crasse du Chemmis) pour s’éloigner au maximum de l’explosion qui allait inévitablement suivre ; pas question qu’ses connectiques grillent non plus.

Des badauds commençaient à se ramener, toujours aussi curieux de savoir qui était en train de dézinguer qui et espérant être le premier à récupérer du matos de valeur ces charognes, et ce fut assez pour que les nerfs d’Ivan finissent par exploser sérieusement. Il allait le buter. Il allait tellement le buter.
Se redressant, l’interface de ses lunettes s’affola quelques instants les différents ronds bleus cherchant dans tous les sens à se focaliser sur sa cible. Là, putain, il l’avait. Ivan renvoya une nouvelle salve de balles, pour faire bonne figure, parce que d’abord il avait envie de le voir danser l’enfoiré, et de toute manière essayer se se tuer dans le Chemmis c’est comme deux chiens qui se reniflent le cul. C’est naturel et ça permet de se reconnaître.
Pas question de le laisser souffler non plus. Contournant la voiture, Ivan essaya de profiter des flammes pour s’approcher directement de Kraven et pouvoir plus facilement lui sauter à la gorge. Oh il avait bien envie de lui montrer les avantages de ses nouveaux bijoux ; si en plus il pouvait avoir le plaisir de le regarder dans les yeux pendait qu’il le délesterait de sa futile vie c’était mêler l’utile à l’agréable.

Mh, ce foutu Kraven avait profité du brouillard de poussière pour filer en douce alors qu’Ivan arrivait pour enserrer ses pinces d’acier autour de sa jolie petite gorge si fragile. Les quelques balles tirées par la suite le ratèrent allègrement et il s’en moqua bien. Quoi, il n’était déjà plus capable de viser droit ? Sérieusement ? C’était décevant, il l’avait connu plus robuste que ça. Et il n’avait même pas commencé à jouer encore.

C’est moche d’être trop sûr de soi. Et c’est pourquoi il ne comprit que trop tard la véritable combine du Flingueur ; à peine le temps de partir que le souffle de l’explosion l’envoya valdinguer dans les airs jusqu’à finir sa course en plein contre un mur. Aïe. Ça fait mal. Ses capteurs s’alarmèrent, état de santé global : bof. Des petits dessins oranges dansaient devant ses yeux, putain il allait devoir refaire un tour sur le billard bientôt. Au moins ses connectiques avaient pas grillé, sa jambe déjà encastrée contre la voiture mettait un peu de temps à réagir mais on pouvait dire qu’il était toujours en une seule pièce.
Il roula des épaules, bras OK. Serra les mains. OK aussi. Bon. Ça devrait tenir jusqu’à ce qu’il en ait fini de cet enfoiré. Cette fois il était vraiment en rogne et il voyait rouge (non non pas à cause de l’état de ses prothèses on en a déjà parlé merci).

Ivan s’examina péniblement, foutue jambe, et constata avec une grimace que certaines des jointures entre ses membres n’étaient plus protégées par le cuir qui avait été salement amoché par l’explosion. Au moins Kraven avait eu la mauvaise idée de lui indiquer très précisément où il se trouvait en hurlant. Son aide à la visée s’agita à nouveau, incapable de le trouver au milieu de toute la poussière soulevée par leurs ébats, mais c’était plus que suffisant. Cette fois il n’allait rien dire rien annoncer. Juste lui tomber dessus et le buter. Lentement. De préférence.
Tant pis pour l’Oasis. Tant pis pour Amar. Il voulait juste tuer ce connard. Ce qu’il aurait dû faire depuis longtemps déjà.

Il s’était tout juste adossé contre le mur que déjà un des badauds ayant survécu à l’explosion s’approchait de lui pour voir dans quel état il était et si le revendre en pièces détachées était une option. Pour toute réponse Ivan le projeta de toute la puissance dont sa position, et son état, lui permettait en direction de Kraven. Ce qui était déjà assez pour ne pas faire plaisir. Bon, par contre ça voulait aussi dire qu’il venait de révéler sa position. Pas comme s’il comptait faire de vieux os ici dans tous les c as. Il se redressa et alla d’abord contourner les restes de la voiture calcinée pour arriver du sens opposé où le gars du Chemmis avait été balancé, restant focalisé sur le rire de l’enfoiré. Définitivement, avec sa jambe il ne pourrait pas courir un marathon.
Puis il lui sauta dessus lorsqu’il se trouva suffisamment proche à son goût, la furie dans les yeux, les dents serrées, avec juste pour but de renverser le Flingueur et presser ses doigts contre sa gorge. Endommagé ou pas, au corps-à-corps il n’avait pas la moindre chance.