Promise all you say is true. |Emi

On était passé sur le tu, donc. Non pas que ça dérange Ezekiel, souvent les personnes en quête d’information étaient dérangées par le vouvoiement et la distance indicible entre eux que cela instaurait. C’était le genre de petit détail qu’il était primordial de ne pas rater, de ceux qui donnent le ton de la conversation.

« En général je me débrouille plutôt bien pour que mes clients n’aient pas à se soucier du nom de mes cocktails. » Il lui répondit, un brin amusé peut-être. « Deviner les envies avant même qu’ils en aient conscience… Ou ne pas leur laisser le loisir de choisir, c’est selon. » Finit-il d’une voix légèrement traînante, riant quelque peu. Ca en troublait plus d’un que la première consommation soit toujours de son fait ; et souvent cela se reproduisait plusieurs fois par soirée, qu’on lui demande ou non. L’idée était de trouver le mélange parfait pour coller avec l’humeur de son interlocuteur, celle qui le mettrait dans les dispositions exactes qu’il cherchait.

Par chance, elle s’était calme assez facilement. Le regard d’Ezekiel continuait de courir entre le groupe attablé au fond du bar et Emi, pure précaution, mais son commentaire semblait avoir été suffisant par la calmer. Et eux, trop attachés à leurs afterworks au Contrevent pour venir chercher réparation. Tant mieux.
Il la laissa allumer sa cigarette, le paquet retrouvant sa place initiale dans les compartiments bien rangés de son bar, ceux dérobés à la vue des clients.

« Il paraît que c’est même l’albinos dont la meute n’arrive pas à se débarrasser. » L’analogie était mauvaise, il le savait, le système hiérarchique des rats protégeait même ceux qui n’apportaient plus rien à la tribu. Mais tant pis, elle semblait de circonstance.

« Avant ça, puisque c’est la première fois que tu utilises mes… services, » commença-t-il tout en préparant un autre verre, désormais plus sérieux dans ses propos. « Comme pour les consommations, la première information est offerte. Ton ordre de mission ou tes cibles ne m’intéressent pas, je sais que la discrétion est appréciée dans le milieu, et je ne révèle mes sources dans aucune circonstance. Ton domaine d’activité en revanche m’intéresse plus et chaque information se monnaie par une autre information… Donnée maintenant ou lorsque j’en aurai besoin. En respectant le secret professionnel, bien entendu. » Ca, c’était sans compter la multitude de détails que des questions détournées pouvaient vous rapporter. Vous n’avez pas idée à quel point les gens ne se rendent pas compte de tout ce que révèle une formulation maladroite.

Ezekiel fit glisser le nouveau verre sur le bois, observant d’un air entendu sa cliente, s’assurant avant toute chose qu’elle était bien prête à jouer à ce jeu-là avec lui.

« Il s’appelle Kraven Crash, dit le Flingueur. La légende veut que pour le retrouver il suffit de suivre les baffes et il devrait être au bout… Sinon il vit dans un des taudis de l’Isherou Row. »

Ezekiel ne put retenir un léger sourire au choix de mots d’Emi. Il l’aimait bien à vrai dire. S’il ne savait pas déjà pas ce qu’elle faisait ou pourquoi elle avait recours à ses services, ç’aurait été un très bon moyen de le faire comprendre. Peut-être pas la subtilité incarnée cette mercenaire, mais on pourrait presque dire qu’elle savait le placer quand il le fallait.

« Je ne manquerai pas de m’en rappeler. » Répondit-il avec un léger hochement de tête. « Il est mieux de toujours connaître ses concurrents, même indirects, n’est-ce pas ? » Non pas qu’ils le furent réellement. C’était le jeu, d’autant meilleur que des oreilles indiscrètes pouvaient toujours les écouter.

Il s’amusa un peu de la manière dont elle réagit à l’information concernant ledit Kraven Crash. Il fallait dire que le Chemmis n’était pas franchement un endroit où on avait envie de se balader pour le plaisir, il pouvait le comprendre. Même à l’époque où il pouvait encore mettre un pied hors du Contrevent ce n’était pas exactement un quartier dans lequel il était heureux de se rendre. D’ailleurs il ne s’y était que très peu rendu, sauf lorsqu’il n’avait pas le choix.

« Comme je te l’ai dit, les informations ne se paient pas en monnaie, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Et son emplacement exact est une seconde information, celle-ci ne sera pas gratuite. Mais… Oui, je peux être plus précis sur l’endroit où le chercher. » Il s’arrêta quelques instants, pris une nouvelle bouffée sur sa cigarette avant de la tapoter contre le rebord du cendrier qu’il avait également tiré des compartiments du bar, pensif. « Il y a bien quelque chose qui peut m’intéresser en échange. » Il avait repris son air sérieux, exit le sourire rassurant, celui des choses d’importance. « Quel est l’ingrédient secret du Bloody Emi ? »