Promise all you say is true. |Emi

ft. @Emi Bakmao

And who is the man?

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Ezekiel avait eu vent des agissements d’une nouvelle personne dont il sentait poindre quelque intérêt pour les activités. Plus exactement un intérêt mutuel qu’ils pourraient trouver à leur collaboration -bien qu’il manœuvrât généralement assez habilement pour en tirer le plus grand profit.
Il n’avait aucun nom à mettre sur cette personne, à dire vrai il n’y avait même rien qui puisse justifier que les faits qu’on lui avait rapportés puissent tous être incombés au même Atlante mais l’information était son métier après tout. Récupérer et recouper les choses entre elles pour mettre le doigt sur l’élément manquant était vital dans son domaine s’il voulait continuer à attiser la curiosité de clients qui ne venaient pas que pour apprécier ses cocktails. Alors, lui aussi, il avait distillé des éléments à ses interlocuteurs. Des informations qui, si ses calculs étaient justes, finiraient par remonter aux oreilles de sa convoitise du moment. D’une part Jessee, à sa demande, avait fait un peu plus de bruit que de coutume sur ses activités, de l’autre il avait joué au sein même de son bar. Car c’était là le centre de son réseau ; puisqu’il ne pouvait pas sortir du Contrevent il fallait bien que les gens viennent à lui. Depuis le temps, et avec l’aide de son prédécesseur qui lui avait transmis toutes les ficelles, sa renommée était assez solide dans les milieux de la nuit pour qu’il n’ait plus que peu à faire ces jeux là mais de temps à autres il restait nécessaire. Et heureusement, parce qu’il y trouvait une très grande part d’amusement !
C’était presque comme un jeu de séduction, à distance, où les expressions de son interlocuteur étaient remplacées par les bruits de couloir, les « on dit »… Une part qu’il n’avait que trop peu l’occasion d’éprouver mais qui le délectait à chaque fois, surtout lorsqu’il sentait qu’il approchait de son but.

Jusque-là, Zeke n’était pas encore parvenu à trouver précisément pour qui travaillait cette mystérieuse personne. Elle n’avait pas l’air de faire partie d’un groupe de shadowrunners, sinon il aurait sûrement réussi à remonter jusqu’aux autres membres de son réseau, mais de tels agissements d’une personne solitaire se faisaient de plus en plus rare. Ce qui l’intéressait d’autant plus. Cela relevait soit de la folie soit du génie, souvent un peu des temps disait-on.

La soirée était plutôt calme, non pas que ce fut inhabituel, avec seulement deux clients qui se partageaient une table. Peu de gens prenaient la peine de s’arrêter devant son petit bar aux allures incroyablement vieillottes pour le paysage Atlante habituel. Il avait gardé l’ambiance installée par Stefan, le précédent tenancier du bar, qui avait eu le bon goût de créer une ambiance quelque peu intimiste avec ses lumières tamisées sur le mobilier en faux chêne. Le piano près de l’entrée prenait un peu la poussière depuis que son père spirituel n’était plus là pour en jouer, mais il y était plus attaché encore que tout le reste de la décoration. Peut-être un jour se déciderait-il à en apprendre.
Il n’y avait même pas la moindre IA pour l’aider, ne serait-ce que l’habituel hôte ou hôtesse d’accueil. Délier les langues était toujours plus simple quand les gens ne se sentaient pas espionnés par ceux-là même qu’ils diffamaient.

Finalement, la porte s’ouvrit sur une nouvelle venue. Une jeune femme à l’allure sûre et déterminée, plutôt sobre dans son apparence si ce n’était pour ses cheveux teints -pas surprenant dans le paysage urbain de la ville, peut-être un peu plus pour les habitués du Contrevent. Ezekiel attendit qu’elle ait fait quelques pas dans le bar avant de la saleur de son habituel « Bienvenue au Contrevent », aussi calme que de coutume, un léger sourire sur les lèvres.

Emi tenait de quelqu’un qui le tenait de quelqu’un qui le tenait de quelqu’un qui le tenait… Bref comme toujours avec ce genre d’information, on ne savait pas trop d’où elle venait, ni sa fiabilité. Toujours était-il qu’Emi avait entendu dire qu’il y avait dans l’Ashgarta une personne qui saurait lui fournir les renseignements dont elle aurait besoin en temps voulu. Et ce temps là était arrivé : cela faisait des lustres qu’elle n’avait pas eu de missions décentes à se mettre sous la gâchette. Elle avait bien accepté quelques cibles sans intérêt à défaut d’autre chose mais cela n’avait pas suffit à étancher sa soif.

D’après l’adresse dont elle disposait, elle devait se rendre au « Contrevent » un établissement de l’Asgharta qu’elle n’avait jamais eu le loisir de fréquenter.

Bah au pire ça me permettra toujours de voir la concurrence. C’est bien l’seul truc que Fitz peu pas faire seul songea Emi tout en jouant nerveusement avec la garde de son katana.

C’était un vrai tic : elle avait tendance à évacuer -temporairement- un trop plein de nervosité en poussant de son pouce la rondelle de son sabre afin d’extraire de quelques centimètres la lame. Le coin était bien plus calme que la frénésie qui régnait dans le Kitezh. Elle s’engouffra dans une ruelle quasi déserte, où elle ne croisa qu’un type à moitié saoul qui la bouscula sans même s’en rendre compte.

- Hé ! Regarde où tu mets les pieds du con ! répondit-elle tout en l’envoyant s’écraser contre le mur voisin.

’Tain c’est pas possible ! Avec tous leurs implants, sont pas foutus d’en avoir un pour t’éviter !

Elle grommela quelques secondes supplémentaires avant de s’arrêter devant une devanture en simili-bois. Elle leva les yeux sur l’enseigne pour vérifier qu’elle se trouvait bien à l’endroit indiqué ? C’était ça la concurrence à visiter ? Un sourire se dessina sur son visage : un problème de moins sur sa liste même si ce n’en était clairement pas un.

Elle poussa la porte et observa le décor tout aussi peu conventionnel que l’extérieur.

- Bienvenue au Contrevent annonce la voix calme et assuré du barman qui faisait de tout évidence également le boulot de son IA.

La tueuse à gage s’avança jusqu’au bar tout en continuant sans même s’en rendre compte à jouer avec son sabre. Elle s’installa sur l’un des tabourets rétro, face au barman. Elle dévisagea de ses pupilles dilatées : il avait une importante cicatrice sur le côté gauche. Excepté ce détail, il était parfaitement normal. Bien trop normal d’ailleurs pour une Cité comme l’Atlantide où l’excentricité d’un jour était la normalité du lendemain.

-Votre spécialité je vous prie demanda-t-elle en faisant un effort pour ne pas avaler la moitié de ses mots.

Ses doigts pianotaient furieusement sur le comptoir : un moyen comme un autre de déverser cet agacement continue qui rugissait au fond d’elle et menaçait de l’emporter à tout instant tandis que ses boyaux semblaient se tordre et son cœur s’emballer.

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Ezekiel ne tint pas compte de l'absence de réponse de la jeune femme, ce n'était pas comme s'il en était foncièrement surpris, se contenant de l'observer s'approcher de son air tranquille. Son sourire n'avait pas disparu tandis que son regard courut le long de son corps, attiré par le mouvement répétitif à son côté. Il n'aimait pas vraiment les armes, aussi ironique que cela puisse être en vivant aux côtés d'un arsenal sur pattes, mais ne pouvait pas pour autant les interdire dans le bar ; non pas qu’il n’y ait jamais vraiment compté. Jessee roulait des yeux à s'en décrocher les orbites chaque fois qu'il devinait ces pensées dans la tête du barman (un mélange d'ennui et de peur en général) mais il se sentait tout autant protégé que prisonnier des murs du Contrevent. Comme si son âme veillait sur lui. Tant qu'il restait en son sein il était persuadé qu'aucun mal ne pourrait lui arriver -ce qui le rendait en même temps incapable de remettre les pieds dans la ville. Bien que problème-là soit plus lié à son incapacité à le faire que par manque d'envie.

Tandis qu'il observait s'approcher sa nouvelle cliente, une vieille sensation frémit à l'arrière de sa tête, celle qui lui disait qu'il avait des morceaux d'information à recoller ensemble. Le clic du sabre avec lequel elle jouait troublait le calme du bar, donnant un rythme à sa réflexion. Cette allure sobre malgré ses cheveux bleus, la veste en cuir dépassée de mode depuis longtemps et, surtout, le bout de métal qui pendait le long de sa hanche... Le tout lui était vaguement familier sans qu’il n’ait jamais eu de contact direct avec.
Il fallut qu'elle arrive enfin à sa hauteur pour que tout semble se recouper ensemble ; si ses déductions étaient bonnes il n'y avait pas grand monde à sa connaissance qui corresponde à telle description. La propriétaire du Svarog Rod peut-être ? Il avait connu l'époque où son père, si c'était bien elle, avait récupéré le bar puis avait entendu de loin que sa fille avait pris le relais. Le katana était suffisamment intriguant étant donné son métier pour en faire un signe distinctif et les gangs du Chemmis (autres grands fans de cette arme) ne mettaient presque jamais les pieds chez lui, surtout pas seuls.

En tout cas, il n’était pas plus étonné par son arme ou son allure que sa simple présence ici. Le Contrevent devait plus sa renommée à ses activités moins habituelles que ses cocktails (que malheureusement personne ne prenait la peine de bien savourer), pas de quoi inquiéter le moins populaire des bars de la Haute. Est-ce que sa soirée allait soudainement devenir bien plus intéressante qu’elle n’était partie pour l’être ?
A dire vrai, il était assez amusé de ses manières (ou leur absence) et la façon dont son impatience sûrement sans égale irradiait de ses ongles claquants sur le comptoir. Aussitôt la commande passée, aussitôt Zeke avait commencé à s’activer pour récupérer les spiritueux dont il avait besoin tout en s’adressant à la jeune femme :

« Ce serait avec plaisir, mais je doute qu’il vous plaise. C’est la première fois que vous venez alors c’est à moi de choisir votre premier verre. » Il ajouta après un temps, levant la tête de ses bouteilles : « Tradition du bar. »

Ezekiel était persuadé qu’à chaque profil type on pouvait retrouver des goûts en alcool relativement similaires et il s’évertuait à respecter cette habitude mise en place avant même que Stefan n’hérite du Contrevent. De plus, la spécialité correspondait bien plus à ses propres goûts ; quelque chose d’assez doux et sucré, masquant l’amertume de l’alcool, qui invitait à s’enfoncer dans son fauteuil et savourer le moment. Il avait entendu parler d’une des dernières trouvailles du Svarog Rod, la boisson la plus épicée du moment alors… pour cette fois il tricherait un peu et tirerait profit de cette connaissance pour lui proposer quelque chose qui lui plairait.

« La maison offre si je me suis trompé. » Finit-il en glissant le verre devant elle.

C’était un cocktail piquant, peut-être pas autant que le Bloody Emi mais son palais avait du mal à s’y résoudre, laissant un arrière-goût fumé en bouche. Noyés dans la base de bourbon deux bonbons en gélatine flottaient à la surface, tenus ensemble par un petit pic, qui servaient notamment à infuser le sucre dans le mélange afin d’adoucir un peu les goûts de l’alcool mélangé à la sauce piquante et au trait d’amer. Enfin, une pincée de cacao venait décorer le tout.
Expectatif, le barman attendit le verdict.

Lorsqu'elle entra dans l'établissement, le sourire ne quitta pas le barman. A croire qu'il était programmé pour ça... Et en même temps, il y avait une certaine sympathie qui semblait en émaner. Plus que le traditionnel rictus commercial dont savait se parer les professionnels. Emi suivit son regard qui se posa sur son sabre avec lequel elle jouait nerveusement. Quoi les armes étaient interdites ? A moins qu'il n'ait jamais vu une tel pièce archéologique ? Elle afficha un sourire. Quoi qu'il en soit son arme ne le laissait pas indifférent et c'était toujours un sentiment qu'elle appréciait.

Elle s'installa donc au comptoir et commanda une boisson. Un moyen comme un autre de calmer ses nerfs, de se donner une certaine constance et surtout... C'était ce qu'on faisait dans un bar non?
La réponse de l'homme fut quelque peu... Surprenante.

- Et bah on peut dire que vous avez le goût du risque! Ça tombe bien. J'adore les surprises lança-t-elle en frappant le bar de ses deux paumes.

Si l'homme qui se tenait face à elle était bien celui qu'elle cherchait, il devait certainement avoir le goût du risque. Le trafic d'information ne devait pas lui amener que des clients agréables... Pourtant, il n'avait pas l'air d'avoir de modifications apparentes. Son apparence était des plus banal.

Emi l'observa préparer son cocktail tout en pianotant sur le comptoir. Elle commençait à avoir soif... Elle se retourna brusquement et scruta la salle avec son piano: on ne pouvait pas dire qu'il y avait foule ce soir. Rien à voir avec le Svarog Rod et ses corps qui se pressaient pour se déhanchés au rythme des basses et des accords numériques. Oh bien sûr il était possible au plus fortuné de s'offrir le luxe d'un espace de calme et volupté mais l'animation n'était jamais bien loin même dans les salons privés. De tout façon, on ne venait pas au Svarog Rod pour méditer mais pour se montrer, s'amuser et se montrer.

Le barman fit glisser son verre. Elle s'empara aussitôt du pic et dévora les deux bonbons à la gélatine.

- J'aime ce genre d'attitude ! lui répondit-elle tout en terminant de mâchouiller les deux petits bonbons.

Le sucre laissa place à un goût plus... Inattendu qui la poussa à tester sans attendre cette boisson qui avait comme un air de déjà-vu. Elle vida le verre cul sec. Ce qui ne l'empêcha d'apprécier les différentes saveurs: la rondeur boisée et presque caramélisée du bourbon, un pointe d'amertume, contrebalancé par le sucre des bonbons qui avaient infusé et surtout woooow ce kick épicé. C'était comme se prendre une bonne gifle après s'être assoupie pendant une sieste en plein soleil!

Il y avait une certaine ressemblance avec le Bloody Emi de Fitz. Un cocktail qu'il avait inventé en adaptant une vieille recette de mixologie du millénaire précédent. Même si Emi adorait la création de Fitz, Il n'en restait pas moins qu'elle était pleine d'un humour acide et sarcastique. L'IA n'avait jamais approuvé le penchant meurtrier de la propriétaire du Svarog Rod et ne manquait jamais une occasion de le lui rappeler. Oh Emi avait bien tenté à plusieurs reprises de la réinitialiser afin d'effacer le paramétrage effectué par son père mais à chaque fois, elle s'était défilée au dernier moment...

- Pas mal commenta-t-elle laconiquement.

Parce que bon elle n'allait pas en plus lui envoyer des fleurs!

- 'Fin ça ressemble un peu à c'qui s'fait au Svarog Rod. Il paraît qu'il y en a un qui met le feu !

Elle eut un éclat de rire franc et tapa de concert le cul de son verre sur le comptoir alors que tout son corps semblait habiter de ce rire soudain.

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On ne va pas dire qu’empêcher ses clients de commander ce qu’il leur chantait était récurrent dans les bars. Mais c’était un des avantages à avoir peu de fréquentations ; plus de chances de connaître les gens. Et ça, ça tombait bien, parce que ça restait tout de même son véritable fond de commerce.

« On n’est pas le bar le plus fréquenté du coin comme vous avez dû le voir, il faut bien trouver de quoi épicer un peu les choses. » Ajouta-t-il avec un clin d’œil en sa direction.

Il devinait son regard posé sur lui tandis qu’il préparait son verre, gardant toutefois son habituel air tranquille. Il lui avait fallu des années après… l’accident… pour être à nouveau capable de ne pas s’agiter dès qu’il sentait poindre un regard trop proche de son œil gauche. Désormais il était capable de faire, au moins en surface, l’impasse sur la gêne que représentait sa cicatrice ; bien sûr être occupé en ce moment restait une aide non négligeable.

Dès le verre pose sur le zinc, sa cliente s’empressa de s’attaquer aux petits bonbons qui accompagnaient la boisson tandis que Zeke attendait avec gravité son jugement. Au vu des informations qu’il lui semblait avoir deviné, il ne se faisait pas trop de soucis pour avoir visé juste sur ses goûts. Pour autant… Il avait toujours une dose d’appréhension qui faisait palpiter son cœur lorsqu’une personne testait pour la première fois l’un de ses cocktails. C’était aussi pour ce genre de choses qu’il restait barman.
Autant dire que la voir descendre le verre d’une traite lui fit hausser un sourcil perplexe. Pas forcément surpris au vu de ses manières, mais… Définitivement perplexe. S’il ne s’attendait pas à une dégustation complète et ô combien pompeuse non plus, eh bien… Ca, c’était encore autre chose. Ou alors c’était une déformation professionnelle. Bon.

Enfin le verdict lui fit relâcher un léger soupire soulagé, son bon vieux sourire reprenant place sur son visage. Oups. Influences repérées semblait-il. A répondre ainsi, elle ne confirmait ni n’infirmait ses soupçons cependant. Ce qui n’était pas pour déplaire à Ezekiel, qui y trouvait certainement plus de plaisir qu’avoir la réponse toute crue sur un plateau. Si cette soirée devait être troublée dans sa quiétude par quelqu’un ce serait par elle ; il n’avait presque jamais deux clients intéressants dans la même soirée (ou c’est que leurs intérêts convergeaient). Jusqu’à savoir si la seule raison de sa présence ici était s’inquiéter de la non-concurrence, autant faire quelque chose de sa présence.

« Mmmh j’en ai entendu parler oui… Depuis quelques années le Svarog Rod a l’air d’être plus ambitieux sur les créations qu’ils proposent. Ce serait lié à un changement de propriétaire, visiblement quelqu’un qui a un sens du goût a enfin repris la gestion. » Il n’avait jamais eu l’occasion de s’y rendre depuis, mais dans sa jeunesse il en avait passé des nuits à se mêler aux corps en sueur sur la piste de dance. Leurs cocktails n’était clairement pas l’attrait principal que les gens pouvaient y trouver. « Quoique je ne dois pas vous en apprendre beaucoup, visiblement vous avez déjà connaissance de ce qu’ils proposent. »

Ezekiel bougea légèrement tandis qu’il parlait, déplaçant son poids sur sa jambe droite et collant la hache au plan de travail qui se trouvait de son côté. Il avait appris à donner un air nonchalant à cette position lorsque, réellement, elle signifiait que sa jambe gauche commençait à trop le faire souffrir pour qu’il puisse continuer à feindre aller parfaitement bien. Pas non plus comme s’il comptait se résigner un jour à utiliser une canne pour se soulager, au moins lorsqu’il était seul. Cependant que la douleur arrive aussi tôt en soirée ne le rassurait pas franchement sur la suite.

« Je crains n’y avoir jamais goûté ; mais s’il est à la hauteur de sa réputation mon palais n’y survivrait sûrement pas dans tous les cas. » Continua-t-il dans un léger rire. Puis il fit un mouvement de la tête en direction du verre vide : « Je vous en remets un ou vous préférez changer ? »

Quelqu'un qui avait un sens du goût ? Heureusement que Fitz n'était pas là. Il en grillerait quelques microcellules... Car bon fallait être honnête : ce n'était certainement pas Emi Il gérait le Svarog Rod mais bien l'IA dénommé Fitzgerald. Fitz pour les intimes. À l'époque son père l'avait commandé pour faire office de barman. A son décès, elle l'avait rapidement fait débridé et il gérait désormais à peu près tout à condition que cela ne requiert pas de sortie hors de son établissement. Fitz avait emmagasiné une collection impressionnante de cocktails de toutes les époques et proposé donc désormais des mélanges inédits. Fitz savait tout. Ce que les clients aimaient ou non au Svarog, combien de temps ils dansaient, à quel moment ils commençaient à marquer des signes d'ennuis... Fitz était plus qu'une IA barman c'était le chef d'orchestre du Svarog Rod. Et franchement, il se débrouillait plutôt bien vu la fréquentation et la notoriété toujours en hausse.

Emi arborait un petit sourire en coin
- Ça m'arrive de m'y rendre parfois. Là bas, les barrières sociales tombent facilement. On y fait des rencontres intéressantes.

Elle grignotait désormais le bout du cure-dent.

- Si j'étais vous, je tent'rai quand même.
Remarquant le verre vide, il lui proposa sans attendre de le remplir de nouveau.

- Surprenez-moi. répondit Emi amusée.

Alors qu'il était retourné s'affairer et que la petite bande son désuète contribuait à meubler l'ambiance de naphtaline de l'établissement, Emi jeta un coup d'œil rapide à la salle: personne. Ou plus exactement pas grand monde.
Elle posa ses coudes sur le bar puis sa tête se logea candidement entre ses deux paumes de mains.

- Parait que les cocktails et les vieilleries sont pas vot' seul spécialité. J'm'trompe? demanda-t-elle d'un ton qui avait changé.

Elle fixait l'homme face à elle d'un air entendu, qui tranchait avec sa pose nonchalante.

ft. @Emi Bakmao

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Peut-être que le sourire d’Ezekiel devint quelque peu peiné à la "proposition" de sa cliente qu’il se rende au Svarog Rod. Ce n’était pas exactement l’envie qui lui manquait ; les folles nuits passées entouré d’inconnus lui manquaient souvent. Désormais les gens venaient à lui, mais il y avait une sorte de saveur sociale qu’il manquait et que le Contrevent ne serait jamais en mesure de lui procurer. Peut-être qu’un brin de nostalgie passa à travers son regard, mais il préféra refourguer tous ces sentiments dans une partie de son esprit qu’il évitait de contempler trop longtemps. Il en avait fini de se lamenter sur son sort, après tout.

« Je ne manquerai pas d’y penser quand l’occasion se présentera. »

En attendant, elle tournait autour du pot et si elle était bien celle qu’il pensait évitait religieusement de laisser paraître son lien avec le bar. A dire vrai, ces ronds de jambes lui plaisaient.

« Deux fois dans la même soirée ? C’est pour moi que ça va devenir dangereux ! » répondit-il sur le même ton amusé.

Il se retourna, le bras gauche entouré autour de son ventre servant d’appui au droit afin de poser un doigt sur ses lèvres en signe de réflexion. D’abord, une base. Au vu de son tempérament rester sur des alcools forts semblait une bonne idée. Whisky ? Trop proche du bourbon. Pas de vodka non plus. Pourquoi pas changer pour du rhum… Le goût serait un peu plus doux, mais réhaussé de citron l’amertume pourrait faire son effet. Passant en revue les différentes bouteilles disposées une idée commença à germer. Avec un brin de liqueur Aromatic Bitter le goût devrait rester assez fort pour son goût… Oui, l’Angostura sonnait comme une bonne idée.

Il venait de disposer les bouteilles dont il aurait l’utilité sur le comptoir lorsqu’elle lui posa une nouvelle question, dont seule l’intonation était innocente. Aaaah, ainsi il s’agissait peut-être du poisson qu’il avait cherché à ferrer ces derniers jours ? Voilà qui devenait de plus en plus intéressant.
Le barman ne répondit cependant pas immédiatement, finissant de disposer son attirail devant lui avant de reporter sur regard sur la jeune femme.

« Sûrement autant que si je supposais que vous êtes venue ici simplement par peur de la maigre concurrence que peut représenter le Contrevent, miss… Bakmao ? »

C’était le genre de moments assez critique. S’il avait vu juste cela aiderait à établir une… confiance (si on pouvait l’appeler ainsi) pour la suite de leurs échanges, sinon ça signifiait perdre toute crédibilité. Il garda toutefois une posture assurée, préférant se reposer sur ses déductions passées qui, habituellement, n’étaient pas trop loin de la vérité, reprenant tranquillement la concoction de son cocktail. Après avoir versé tous les ingrédients dans une pinte et ajouté des glaçons, il mélangea le tout avant de le filtrer et le servir dans un petit verre rempli de glaçons. Du rhum, de l’Aromatic Bitter, un peu de sucre et de jus de pomme pressé, le tout décoré de quelques rondelles de pomme coincées entre deux glaçons et le verre fut posé devant la jeune femme.

« On vient assez rarement par ici sans une raison précise. Les maux du monde, mes spiritueux et moi sommes plutôt bons pour les soigner. »

Il posa les mains sur le bar de sorte que ses bras soient tendus, une position aussi détendue qu’attentive tandis qu’il attendait de voir quelle serait sa réaction. Et, surtout, ce qu’elle venait chercher exactement.

Emi machouilla son pique avant de lui répondre tout aussi amusé

- Avouez qu'ça met un peu de piment dans cette soirée bien calme. Elle inclina la tête en direction des quelques personnes assises à l'autre bout de la salle.

- C'est pas les trois clampins là bas qui vont vous faire l'animation.

Sur ce elle regarda se tourner avec une certaine difficulté, ce qui était pour le moins étrange. Elle le vit sortir des bouteilles et entamer les mélanges.

Elle en profita pour tâter le terrain et ne fut pas déçu de la réponse qui suivit. Elle afficha un sourire tout en se saisissant du verre fraîchement rempli.

- Vous êtes bien celui qu'on dit alors.

Comme la première fois, elle avala la boisson d'une traite. Laissant les différents composants glisser le long de son gosier.

-Ah! Elle claqua le verre sur le comptoir

- Heureuse que l'ambiance est poussiéreuse et la musique archaïque ! Fitz n'aurait qu'à bien se tenir. Vous êtes sûr qu'un poste dans le bar le plus branché vous plairez pas? Vous f'riez fureur!

Elle leva son verre vide et le tourna dans sa main, contemplant l'arrière du bar à travers le kaléidoscope que formait les différentes facettes.

- Ca! Ça! C'est carrément génial!
Elle hésita à pousser le vice jusqu'à demander un troisième service. Mais se ravisa. Après tout elle n'était pas ici pour ça et ses impatience dans les jambes ne manquèrent pas de lui rappeler.

Elle se pencha en avant et ajouta baissant d'un ton.

- Je suis sûr qu'avec tous les clients que vous voyez passer, vous pourriez me recommander une paire de gros bras qui n'a pas froid aux yeux, hein?!

Parce qu'elle était peut-être carrément accro à l'adrénaline mais elle n'était pas suicidaire. Et ce mec là... Ça s'rait pas simple. Elle avait besoin d'un back-up. Juste au cas où.

- Putain mec! Faut vraiment que tu lui trouves un nom! C.esg terrible! s'exclama-t-elle.

Les quelques personnes présentes se tournèrent vers elle, le regard outré.

- Quoi tu veux mon holophoto en parasol sur ton verre?!
Et mon sabre dans ton foie P't-et'?! le sang tambourinait dans ses temps. Putain c'qu'elle aurait voulu pouvoir le découper. Pouvoir sentir ce regard de détresse et l'arrivée de l'inévitable. Elle grinça des dents. Et tenta de garder bonne contenance. Autant que possible.

ft. @Emi Bakmao

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Ezekiel était bien contraint d’admettre que ce n’était pas ses clients du soir qui étaient le plus compliqué à gérer. Un groupe de collègues travaillant à l’Asgharta qui venaient parfois par ici boire un verre ou deux après le travail, il n’avait jamais eu l’occasion d’échanger plus que quelques mots avec. De vrais clients en somme. Non pas qu’il les aurait appelés clampins pour autant.

Il faut dire qu’il lâcha un léger soupir soulagé à sa réponse. Il faisait pleinement confiance à ses capacités de déduction mais personne n’est à l’abri d’une erreur. Ce qu’il n’avait pas fait. Alors tout allait bien pour l’instant.

« On m’a toujours dit qu’un bon hôte devait tout faire pour ne pas décevoir ses clients. » Répondit-il avec un clin d’œil amusé.

En tout cas elle avait une sacrée descente, on ne pouvait clairement pas lui retirer ça. Pour lui qui avait toujours préféré pour son temps afin de déguster et s’enivrer de tous les parfums de ce qu’il pouvait manger ou boire, c’était toujours une surprise de voir des personnes vider leur verre d’une traite -malgré des années passées derrière le bar.
Il rit un peu plus franchement à sa réaction, tout de même satisfait de voir que ses cocktails avaient l’effet escompté. A dire vrai, mêler information et alcool était globalement une bonne idée. Les langues se délient toujours plus facilement le gosier satisfait et le rôle de barman s’accompagnait généralement d’une sorte d’aura de confidence.

« Désolé de décevoir mais je n’ai pas prévu de quitter le Contrevent de sitôt. » Il n’allait tout de même pas dire que, envie ou pas, il ne pouvait pas le faire de toute façon. « Et j’ai bien peur que je ferais un service terrible dans un lieu trop fréquenté, ce n’est pas franchement le genre d’endroit où on a le luxe de prendre son temps pour deviner ce qui conviendrait le plus à ses clients. »

Ah, les choses sérieuses commençaient. Le loup solitaire décrit par les rumeurs avait décidé de s’associer à quelqu’un d’autre ? Ca devait être un gros poisson qu’elle avait ferré. Il resta pensif quelques instants, évaluant les mercenaires dont il avait connaissance qui seraient capables de supporter son tempérament sanguin. Et ce qu’il pourrait attendre en retour, bien sûr. Comme pour les boissons, la première information était gratuite ; ça ne voulait pas dire qu’il ne fallait pas prévoir à l’avance.

Ha, il avait peut-être une idée…

Qu’il n’eut pas le temps de suivre car elle venait de se mettre à hurler sur ses autres clients, qui hésitaient entre faire profil bas ou profiter d’être en surnombre. Urgh, pas de ça dans son bar merci. Encore moins quand Jessee n’était pas là pour faire les gros bras et que sa jambe lui faisait un mal de chien.
Les bras tendus sur le comptoir, il se pencha en avant afin de rapprocher son visage de l’autre côté du bar, celui où se trouvait Emi.

« L’Angostura. »

Ne prononça-t-il pas trop fort, mais assez fermement pour être sûr d’avoir été entendu. Il attendit un peu qu’elle daigne se retourner, jeta un regard aux trois hommes avec la ferme intention télépathique de leur intimer de retourner à leur conversation initiale puis continua :

« Le cocktail. C’est son nom. L’Angostura. Et j’ai probablement un autre nom pour vous, mais le sang a la fâcheuse tendance à me causer des sautes de mémoire. »

Son bar, ses règles. Pas de règlements de comptes dedans en était une. Il se recula un peu, prenant appui sur le bar afin de relâcher la pression sur ses jambes et attrapa le paquet de cigarettes posé dessus qu’il proposa à la jeune femme avant de s’en sortir une pour lui-même. Son regard bifurqua rapidement vers le groupe de personnes qui continuaient à lancer des regards méfiants dans sa direction mais ne semblaient pas disposés à en faire plus.

« Un pur rejeton du Chemmis, on dit qu’il a la gâchette facile mais fine. » Un bref sourire passa sur ses lèvres. « Mon intuition me dit que vous vous entendrez à merveille tous les deux. »

Oh, Kraven c’était quelque chose. Il avait déjà entendu parler de lui la première fois qu’il avait mis un pied au Contrevent, mais le voir en vrai c’était encore autre chose, cette espèce de furie d’homme. A dire vrai il aurait donné cher pour pouvoir être témoin de leur rencontre. Il ne savait pas si l’idée l’exaltait ou le terrifiait exactement ; après tout sa cliente semblait à la hauteur des racontars à son propos.

Emi avait déjà vidé son deuxième verre. Elle prenait rarement le temps de savourer quoi que ce soit. Quoiqu'elle entreprenait, elle le faisait à mille à l'heure. Elle était toujours pressée. Toujours en retard. Une perpétuelle course contre la montre. Et quand elle ne faisait rien pendant quelques minutes, ses jambes commençaient à se rappeler à son bon souvenir et lui donner l'impression d'avoir perdu son temps. Et paradoxalement... Elle n'avait jamais l'impression de vivre sa vie. C'était comme être à côté de ses pompes. Il n'y avait qu'à l'instant fadique où la vie quittait le corps de sa victime, que la sienne rugissait. Pendant quelques secondes. Avant que la fugace braise de jubilation ne s'éteigne à son tour.

- C'est bien dommage. Mais j'te trouverai une place si t'en as marre de ton trou. On a des coins tranquilles au Svarog. Du genre salon VIP t'sais. Tu serais tranquille là-bas.

Puisqu'il savait qui elle était alors... Autant joué franc-jeu. Et puis Emi était peut-être une tête brûlée qui n'en avait pas grand chose à faire du développement de son nightclub, Elle savait quand même reconnaitre le talent quand il se présentait. Et ce gars là... Il était vraiment bon. Et sûrement à plus d'un titre!

Et voilà qu'elle se mettait à faire du remue-ménage... C'était plus fort qu'elle... Elle n'arrivait pas à s'y résoudre. Chassez le naturel, il revient au galop comme disait son vieux (et vu comme il a fini, il était pas le dernier concerné).
Ezekiel fit revenir le calme. L'angostra. An-go-stu-ra. Damned! C'était bien dur à prononcer... Elle dut s'y reprendre mentalement à plusieurs reprise avant de pouvoir le prononcer sans manger ou intervertir les syllabes.

- Si tu veux mon avis... C'est un peu trop compliqué comme nom pour être vendeur. lui dit-elle en levant son verre vide.

Bon... Il était temps de mettre les pieds dans le plats et de passer aux choses sérieuses. Elle n'était pas là pour siroter des cocktails ou discuter mixologie. Elle était là pour trouver le mec ou la nana qui l'aiderait à buter le rigger qui lui sert de garde du corps. Et d'amant? Qu'elle ironie du sort. Elle aurait sans doute préféré ignorait ce genre de détails... Elle faisait toujours en sorte d'en savoir le moins possible. Plus sa victime était anonyme à ses yeux, plus c'était simple.
Elle regrettait d'avoir accepté cette mission... C'était encore cette putain de foutue addiction de merde qui lui avait fait dire Oui alors qu'elle pensait le contraire. Et v'là qu'elle devait se trouver un associé pour se faire flinguer à sa place...

Il lui proposa une cigarette qu'elle refusa poliment : une addiction était bien suffisante à gérer pour qu'elle ne ressente pas le besoin d'en ajouter une seconde. Elle détestait par ailleurs tout ce qui touchait aux drogues et autres merdes du genre... Elle se proposa cependant pour lui allumer sa cigarette alors qu'il lui faisait part de ses informations.

Elle pinça les lèvres pensivement alors que ses yeux se baladaient sur le décor...

- Hmm... Ok vendu! J'te fais confiance. Tant qu'il 1 fait le job peu importe d'où il vient hein. Et puis si c'est un de ces rats du Chemis... Rat d'égout toujours debout? conclut-elle d'un éclat de rire.

-Dis moi où j'peux le trouver ce type

Qu'ils s'entendent bien ou non à vrai dire n'avait aucune espèce d'importance... Tant qu'il faisait le job...

- Ah et ressert-moi je te prie dit-elle en agitant son verre un petit sourire malicieux à ses lèvres.